La reprise va-t-elle se poursuivre en 2022 ? Éléments de réponse dans le replay de notre débat
La reprise va-t-elle se poursuivre en 2022 ? À l’occasion d’un débat organisé en partenariat avec le CIC Sud-Ouest, le 18 janvier, introduit par Patrice Cuavet, directeur général du CIC Sud-Ouest, La Lettre M a posé la question à trois experts : François Duhen, chef économiste et stratégiste pour le CIC Market Solutions ; André Deljarry, premier vice-président de la CCI Occitanie et président de la CCI 34 ; et Françoise Gleize, déléguée régionale de la FNTR* Occitanie Méditerranée. Si tous se montrent confiants quant à la croissance, ils soulèvent plusieurs difficultés susceptibles d'affecter l'activité économique cette année.
« Je suis raisonnablement optimiste pour 2022, annonce François Duhen, chef économiste et stratégiste, au CIC Market Solutions. La croissance devrait être moins importante qu’en 2021 (entre + 6 et + 7 %, NDLR), mais très au-delà du potentiel de la France (en 2019 : environ + 1,5 % sur un an, NDLR). Et 2023 devrait s’inscrire dans la même dynamique que 2022. » Une confiance partagée par André Deljarry, premier vice-président de la CCI Occitanie – « L’optimisme l’emporte, on le voit par rapport aux résultats de 2021 ». Françoise Gleize, qui représente le transport routier en Occitanie, estime qu' « en 2022 le transport routier devrait connaître un plateau par rapport à 2021. Nous n’anticipons pas de baisse cette année. » Malgré cet optimisme général, plusieurs freins importants doivent être levés : les difficultés d'approvisionnement en matériaux, le manque de main d’œuvre ou encore le virage de la transition écologique.
Approvisionnement et inflation
Depuis quelques mois, nombre d’entreprises font état de difficultés d’approvisionnement qui ont pour effet d’allonger les délais de livraison et génèrent de l’inflation. « Il est vrai que la hausse sur l’acier, de l’ordre de 30 à 40 %, inquiète, indique André Deljarry. D’ailleurs, la CCI Occitanie va adresser une lettre aux EPCI de tous les départements de la région pour leur demander d’être plus souples au niveau des pénalités de retard appliquées sur les chantiers. Les collectivités doivent tenir compte de cette problématique d’approvisionnement. » Et le président de la CCI de l’Hérault de citer plusieurs chantiers en cours, portés par la chambre consulaire, « à l’instar du Purple Campus à Béziers, dont le coût a grimpé, au global, de 10 % », en raison de ces difficultés d’approvisionnement, notamment en acier et en bois. « Pour certains matériaux, tels que les semi-conducteurs, je doute qu’une solution soit trouvée avant mi-2023 », complète François Duhen. « Quand j’entends les constructeurs automobiles dire que d’ici trois mois la difficulté d’approvisionnement pour ce type de produits sera réglé, je vous le prédis : ce ne sera pas le cas. »
Période de transition pour les pays émergents
Pour autant, le stratégiste se veut relativement rassurant à plus long terme. « Certes, les pays émergents vont vivre cette année une période de transition, notamment la Chine, car leurs vaccins ne sont pas efficaces, ce qui affecte inévitablement leur production en matériaux, remarque-t-il. Mais cela ne va pas durer éternellement, la situation va se débloquer à mesure que leur plan de vaccination va gagner en efficacité. » Plus globalement, le chef économiste estime que le variant Omicron affectera l’activité économique française dans une moindre mesure par rapport aux variants précédents. « L’impact sur les chaînes de production en France et dans les pays émergents restera important cette année mais moins qu’en 2020 et 2021 ».
Pénurie de main d’œuvre
Problématique récurrente depuis quelques années, le manque de main d’œuvre s’est accentué depuis le début de la pandémie. « Nous constatons un phénomène appelé ” la grande démission”, convient François Duhen. Une partie de la population ne veut plus faire le job qu’on lui demande aux mêmes conditions qu’avant la crise. Certes, les employeurs peuvent agir sur les salaires, souvent assez faibles dans l’hôtellerie-restauration par exemple. Mais il est aussi possible d’agir sur la durée du temps de travail en proposant de travailler plus pour gagner plus. Sans oublier qu’il y a un rééquilibrage à faire entre les métiers recherchés et ceux dont les entreprises n’ont pas besoin », préconise-t-il. « Bien sûr, il faut se réinventer », acquiesce André Deljarry. Et ce dernier de souligner plusieurs dispositifs soutenus par les CCI, notamment la CCI 34, visant à mettre en relation employeurs et candidats, tels que les sessions de job dating en partenariat avec Pôle Emploi et le lancement de la plateforme Facilijob, en partenariat avec le MHB, Aesio Mutuelle et Montpellier Business School.
Le cas du transport
Les problèmes de recrutement, Françoise Gleize connaît… « En France, il manque environ 40 000 conducteurs. Une des premières explications est la pyramide des âges car 40 % des salariés de la branche ont plus de 50 ans. » L’enjeu est d’une part d’anticiper les besoins via la formation et d’autre part de faire évoluer la perception de l’opinion publique sur le métier. « Il nous faut aussi réfléchir à d’autres modes de travail, raisonner sur des périodes de quatre jours et non plus de cinq. Nous sommes en pleine négociation salariale avec les syndicats, mais la rémunération n’est pas le seul sujet sur la table. Nous évoquons les mutuelles santé, les jours enfant-malade… »
Transition écologique
Parfois considérées par les dirigeants comme des contraintes, les diverses normes et réglementions environnementales, visant à réduire l’empreinte carbone des entreprises, pourraient, au contraire, s’avérer bénéfiques. C’est l’avis d’André Deljarry, « la RT 2020 (réglementation thermique applicable à toutes les constructions neuves, NDLR) va soutenir la croissance. De vraies opportunités de marchés vont se développer, il suffit de regarder tous les bâtiments vieillissants en Occitanie ». D’ailleurs, la CCI de l'Hérault lancera, avec la Région Occitanie et l’Ademe, une campagne destinée à promouvoir les achats responsables. La transition écologique va aussi permettre de faire émerger de nouveaux métiers, estime André Deljarry.
La nécessité de jouer collectif
Le virage de la transition énergétique, le secteur du transport routier l’a pris il y a plusieurs années, au travers de chartes CO2 et, plus récemment, de labels incitant les entreprises à aller plus loin en la matière. « Il nous fait désormais passer à la vitesse supérieure, mais nous ne pourrons pas le faire seuls, prévient toutefois Françoise Gleize. Le carburant hydrogène, si nous pouvions en acheter, coûte cinq fois plus cher que ce que les transporteurs dépensent avec des véhicules au gasoil, quel client peut nous accompagner sur un tel coût de revient ? » s’interroge-t-elle. Et cette dernière de citer l’exemple de grands noms de la distribution qui se sont engagés à allonger la durée de contrat avec un transporteur pour inciter celui-ci à passer une partie de sa flotte au bioGNV, afin de lui permettre d’amortir ce coût. Pour porter ses fruits, la transition devra donc s'appuyer sur une mobilisation collective.
* Fédération nationale de transport routier.
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