Avis défavorable pour la LGV Bordeaux-Toulouse : la réaction des élus du Sud-Ouest
Coup de frein sur la LGV Bordeaux-Toulouse. La commission d'enquête publique sur les projets de lignes à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, vers l'Espagne, a rendu un avis défavorable sur la déclaration d'utilité publique de ces projets, a annoncé lundi 30 mars la préfecture de l'Aquitaine. Cet avis rendu par une vingtaine de représentants de la société civile est consultatif. Le gouvernement a jusqu'en juin pour se prononcer, après avis du conseil d'Etat. Entrant dans le cadre du grand projet ferroviaire Sud-Ouest (GPSO), la LGV entre Bordeaux et Toulouse, d'un coût de 5,9 Md€, devait entrer en service en 2024, selon les volontés du ministère des Transports. Dans le même cadre, le ministère avait également annoncé la mise en service à l'horizon 2027 d'un tronçon LGV entre Bordeaux et Dax, pour un coût de 3,2 Md€. Ces projets s'inscrivent dans la continuité de la LGV Tours-Bordeaux, dont la mise en service, prévue pour la fin de juillet 2017, doit placer Paris à deux heures de Bordeaux. Dans un communiqué commun, diffusé lundi soir à 21h, les présidents des quatre collectivités concernées – Alain Juppé pour Bordeaux Métropole, Jean-Luc Moudenc pour Toulouse Métropole, Martin Malvy pour la Région MP et Alain Rousset pour la Région Aquitaine -, « prennent acte avec regret » de cet avis défavorable.
« Insuffisances et faiblesses »
Ces enquêtes publiques sont des préalables à la déclaration d'utilité publique qui permettait de débuter les travaux en 2017. La commission d'enquête publique ne nie pas certains « aspects positifs du projet » mais elles les relativisent considérablement. Comme le « gain de temps » sur la liaison Bordeaux-Toulouse, un avantage qui « n'intéresse qu'une population qui privilégie la vitesse plutôt que le prix du billet », estiment les rapporteurs. Ou encore des « retombées économiques qui favoriseront essentiellement les deux grandes métropoles », Bordeaux et Toulouse.
Mais le rapport pointe surtout des « insuffisances et faiblesses » du projet, parmi lesquelles des « impacts insuffisamment pris en compte », qu'il s'agisse de la faune, de la flore, de l'habitat, de la sylviculture ou de la viticulture (72,3 hectares de terres viticoles AOC, dont plus de 48 ha déjà plantés). Les enquêteurs disent en outre avoir constaté « un besoin non partagé » de ces LGV chez les syndicats professionnels, associations et collectivités qu'ils ont entendus. « Aucune catégorie, même les entreprises, n'est majoritairement favorable au projet », écrivent-ils.
Les incertitudes sur le financement public du projet et sa rentabilité sont également sévèrement fustigées. « Le porteur du projet, en annonçant un investissement de 8,307 milliards d'euros compensés par des gains de temps monétarisés à 20 euros par heure n'est pas convaincant car la commission ne pense pas que l'on gagne des millions d'heures à coup de minutes de trajet », assène le rapport. Selon la commission, la branche Bordeaux-Toulouse présenterait une « rentabilité socio-économique faiblement positive ». La commission recommande donc d'explorer davantage des « alternatives à la grande vitesse ».
1h05 entre Bordeaux et Toulouse
La LGV entre Bordeaux et Toulouse prévoit un temps de trajet de 1h05 entre les deux villes, ce qui mettrait Toulouse à 3h10 de paris. Le projet prévoit la construction de deux nouvelles gare à Agen et Montauban, 167 km de ligne nouvelle entre Bernos-Beaulac (Sud Gironde) et Saint-Jory (au nord de Toulouse), 55 km de tronc commun entre Saint-Médard-d'Eyrans et Bernos-Beaulac (Sud Gironde)
Ces projets s’inscrivent dans la continuité de la LGV Tours-Bordeaux, dont la mise en service, prévue fin juillet 2017, doit mettre Paris à 2H05 de Bordeaux. Les chantiers de ces lignes nouvelles dureraient de 5 à 7 ans, avec des hypothèses de mise en service en 2024 pour Bordeaux-Toulouse et en 2027 pour Bordeaux-Dax.
Les élus vent debout
« À l’évidence, cet avis est dans l’air du temps », ironisent les élus dans leur communiqué, faisant allusion au récent rapport de la Cour des Comptes et aux orientations de SNCF Réseau – priorité aux économies et à la modernisation du réseau existant, critiques sur des projets de lignes non rentables et inutiles. « Pourtant, les grands projets d’investissements sont indispensables pour relancer l’économie de notre pays et préparer notre avenir », déclarent les élus. « Nous ne pouvons pas aujourd’hui imaginer que ce projet soit tronqué et qu’il n’en demeure que l’axe Paris-Bordeaux, dont les aménagements s’achèvent et dont la justification passe par son prolongement vers l’Espagne du côté atlantique comme du côté Méditerranée. »
D’après eux, « seules de nouvelles lignes vers le Sud permettront de répondre aux besoins croissants de mobilité de nos territoires. Les grands élus du Sud-Ouest n’acceptent donc pas les arguments d’opportunité qui fondent pour l’essentiel les conclusions de ce rapport et prendraient en otage le Sud-Ouest de la France (…) Nous nous refusons d’envisager que l’avis de la commission qui n’a pas encore été porté officiellement à notre connaissance signifie la remise en cause du projet. C’est la raison pour laquelle nous avons cet après-midi (lundi, NDLR) demandé audience à Monsieur Vidalies, secrétaire d’Etat aux transports. »
Pour Martin Malvy, président de la Région MP, « cet avis ne lie pas le gouvernement qui n’ignore pas que (…) l’apport des voyageurs de Midi-Pyrénées a toujours été considéré comme la justification même des investissements consentis entre Tours et Bordeaux. Cet apport ira d’ailleurs croissant dans les années qui viennent ce qui parait ne pas avoir été pris en compte par la Commission. L’Insee l’évalue à 300 000 habitants à échéance 2030. Si des modifications doivent être apportées au projet, le gouvernement devra le décider. Cela relève de sa responsabilité. Mais Toulouse et Midi-Pyrénées ne peuvent pas demeurer à l’écart d’un réseau national et européen à grande vitesse. Il y a quelques mois, cette même commission d’enquête donnait un avis favorable à la liaison Poitiers-Limoges. Les mêmes arguments auraient pu être utilisés. Toulouse - 4e ville de France - à plus de quatre heures de Paris. Ce déséquilibre n’est pas envisageable. Pour ma part, je ne l’envisage pas. »
Lundi après-midi, Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, a rendu public un courrier envoyé le 23 mars à Alain Vidalies, dans lequel il demande à ce dernier la tenue rapide d’un comité des financeurs pour le projet de ligne Bordeaux-Toulouse.