Nicolas Le Moigne (Vélocité) : "L'impact du vélo sur l'économie d'un territoire est avéré"
Créée en 1998, l’association montpelliéraine Vélocité s’emploie à promouvoir le vélo comme moyen de déplacement au quotidien. Sortie de l’ombre à l’automne 2018 en prenant la tête d’un élan citoyen d'envergure, Vélocité, par l'intermédiaire de son président Nicolas Le Moigne, prêche aussi la bonne parole auprès des entreprises pour faire du vélo un levier économique.
Pourquoi et comment l'entreprise peut-elle encourager l'usage du vélo?
Le vélo a plusieurs avantages en termes économiques. Au niveau de la productivité déjà, selon une étude réalisée à Londres, un employé qui viendra à vélo au travail aura 25 % d’arrêt de travail en moins. Ce qui est bon pour l’entreprise le sera aussi pour les dépenses de santé publique… On a coutume de dire qu’un kilomètre réalisé en voiture coûte 70 centimes d’euro tandis qu’un kilomètre à vélo rapporte 60 centimes avec la baisse des frais de santé, l’impact moindre sur les infrastructures… Autre avantage pour l’entreprise, en termes de coûts : se doter d’un parking à voitures pour ses salariés a un prix et représente une emprise au sol importante alors qu’il est possible de faire stationner cinq vélos là où une seule voiture se gare. Les employeurs disposent aussi de leviers pour favoriser l’usage du vélo via le plan de déplacement d'entreprise ou des incitations financières. S'ils pouvaient déjà prendre en charge la moitié des frais de déplacement de leurs employés en transport en commun, un récent décret, publié le 11 mai, accorde désormais une indemnité kilométrique vélo de 200 € par an et par agent dans la fonction publique et de 400 € par salariés - mais ce n’est pas obligatoire - dans le privé. L’entreprise ou la collectivité y viendra si elle y voit son intérêt, or les deux sont de plus en plus soucieuses de « verdir » leur image. Les challenges pour aller au travail à vélo, #MyBikeToWork, fleurissent par exemple, à l'instar du conseil départemental de l’Hérault qui en prévoit un pour la rentrée.
Le vélo participe-t-il aussi à l'attractivité du territoire?
Tout à fait. Quelqu’un qui travaille à Paris ne va pas venir à Montpellier pour retrouver quarante-cinq minutes de bouchons au quotidien. 60 % de la population de la Métropole est à trente minutes de la place de la Comédie : à choisir, je préfère faire ces trente minutes à vélo plutôt que coincé dans ma voiture! Les modes de vie changent et les entreprises n’en ont pas encore suffisamment pris conscience. Ni la puissance publique d’ailleurs : on peut imaginer qu’une entreprise comme Vestas à Pérols (aux portes de Montpellier, NDLR), spécialisée dans les énergies renouvelables et danoise de surcroît, ne prendra pas longtemps cette question d’accessibilité de son site à vélo à la légère.
Existe-il des poches de résistance quant aux bienfaits du vélo pour l’économie?
Cela évolue mais on voit bien qu’il y a des réticences. On les ressent chez les commerçants du centre-ville de Montpellier par exemple et à travers l’absence de dialogue avec leurs représentants. Nous avons sollicité plusieurs fois des rendez-vous auprès de la CCI, sans réponse à ce jour. Les commerçants ne perçoivent pas les bénéfices du vélo pour leur activité, ils veulent à tout prix faire venir les voitures en centre-ville pour relancer le commerce, à grand coup d’heures de parking gratuites. Nous sommes sans doute face à une génération de commerçants qui habite en périphérie de Montpellier et qui est persuadée que les gens viennent en voiture. Ce qu’il faut rappeler pourtant, c’est que si le panier du cycliste est plus faible que celui de l’automobiliste à l’instant T, il sera au bout d’une année de consommation plus important côté cycliste car celui-ci sera venu plus régulièrement. La question n’est pas de savoir comment faire venir plus de voitures mais bien comment faire venir plus de monde. Le commerce de centre-ville a tout à gagner s’il devient plus attractif pour les vélos. D’ailleurs de plus en plus de commerçants jeunes réclament des stationnements sécurisés devant chez eux. Durant la période de Noël, Madrid a dû fermer son centre-ville aux voitures en raison de la pollution : malgré les craintes des professionnels, il y a eu un véritable boom des achats.
Le deuxième tour des municipales approche. Comment pesez-vous dans les débats?
En vue de ces élections municipales, nous avons élaboré un plan Vélo à l’attention des candidats. Nous estimons que la ligne budgétaire dédiée au vélo par la Métropole de Montpellier doit être de 15 à 20 M€ par an sur la durée du mandat. Nous demandons également à ce que le vélo soit un moyen de déplacement à l’échelle de la métropole avec un Réseau express vélo. Aujourd’hui Montpellier fait partie des villes les plus polluées et congestionnées de France. Venez de Saint-Jean de Védas (à 6 km de Montpellier, NDLR) jusqu’à la place de la Comédie un dimanche, pas de problème. En semaine? je vous le déconseille tant le trafic est dense. À Montpellier, ce sont les citoyens qui portent la politique cyclable, au contraire de Copenhague ou Amsterdam où c’est la puissance publique qui est moteur. Avant le premier tour des municipales, nous avons organisé un grand oral sur le sujet avec tous les candidats. Une deuxième rencontre, avec les trois listes en lice, est en train de s’organiser.
Montpellier sera-t-elle demain la nouvelle Copenhague?
La question de la place du vélo à Montpellier a beaucoup évolué ces dernières années. Il y a désormais une dynamique citoyenne en faveur de l’usage du vélo qui ne se dément pas. Pour ne parler que de Vélocité, nous sommes passés en un an de 68 à plus de 900 adhérents ! Le Covid-19 est aussi passé par là et le vélo s’est révélé être un outil pour faire face à la crise sanitaire en termes de mobilité. Mais que l’on ne s’y trompe pas: nous ne demandons pas l’arrêt de la voiture mais plutôt une véritable alternative et un choix de son mode de transport. 76 % de la population française prend sa voiture pour faire un déplacement de cinq kilomètres. Ces cinq kilomètres se font en vingt minutes à vélo. On estime qu’à Montpellier la pratique du vélo représente 4 à 6 % des déplacements quotidiens. C’est 15 % à Bordeaux, 40 à 50 % à Copenhague… L’objectif national est de passer à 9 % d’ici à 2024, on s’en approche.