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Hérault / Région Occitanie
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Immobilier
| 30/10/2018

La loi Élan va contribuer à freiner les recours abusifs

L’impact de la nouvelle loi Élan (Évolution portant sur le logement, l'aménagement et le numérique) dans la lutte contre les recours abusifs : le thème abordé lors du Petit Déj organisé par La Lettre M ce 30 octobre au Gazette Café à Montpellier suscite l’intérêt de plus de 200 acteurs de l’acte de construire — promoteurs, architectes, constructeurs… Preuve de l’importance de la question dans des zones tendues de production de logements, où certains programmes ont été bloqués, ou le sont encore, par des recours contentieux (Îlot Duguesclin, Ode à la mer, Belaroïa...). Au niveau national, 33 000 recours bloquent des projets immobiliers. « FDI Promotion subit quelques recours. Pour certains d’entre eux, cela est créateur d’inertie au regard de la production de logements, explique Mathieu Massot, directeur de FDI Promotion (Montpellier), partenaire de l’événement. Le travail de nos conseils juridiques nous aide. La loi Élan va dans le bon sens, mais il y a des points de vigilance. » « Le recours reste un droit, rappelle Me Jérôme Jeanjean, spécialiste en droit de l’urbanisme et droit de l’environnement au cabinet SVA (Montpellier). Même si l’arsenal juridique qui permet de défendre les droits des requérants et qui permet au promoteur de commercer une opération n’est pas nouveau, la loi Élan permet de retrouver les fondamentaux du permis de construire. Depuis trop longtemps, le recours est devenu un outil pour aller chercher de l’argent. »

Assiste-t-on à une hausse des recours ? « L’inflation des recours est relative au nombre de permis de construire qui sortent. Le besoin de logement est conséquent sur la métropole de Montpellier, donc il y a potentiellement beaucoup de permis, même si ces permis tardent à sortir. À ce titre, nous travaillons avec la Métropole et la Ville de Montpellier pour fluidifier les process des pré-projets et l’instruction des permis pour plus d’efficacité et moins d’inertie », souligne Laurent Villaret, président de la Fédération des promoteurs immobiliers Occitanie Méditerranée. Les recours ne touchent pas que le logement. Il portent aussi sur des projets tertiaires ou commerciaux, comme Shopping Promenade (groupe Frey) au sein du quarter Ode à la mer à Pérols.

10 mois de délai de traitement
Spécialiste du droit immobilier chez SVA, Me Ève Tronel-Peyroz revient sur le cadre de la loi Élan. « Le décret datant de juillet 2018 afin de pallier le problème des recours abusifs est rentré en application le 1er octobre, précise-t-elle. Un requérant a deux mois pour soulever la contestationCe décret met en place un délai de 10 mois de traitement par la justice au lieu des deux ans habituelsLa loi Élan modifie le texte de la définition du recours abusif et modifie les conditions de recevabilité du recours qui traduit un comportement abusifElle admet l’action du promoteur qui sollicite une indemnisation dès lors que l’on démontre un recours excessif. Les décisions seront renvoyées devant le conseil d’État en cas de désaccord. » Ce décret comporte, selon Laurent Villaret, « un point de vigilance. Le délai de 10 mois est uniquement une indication, pas une obligationCe texte va toutefois dans le bon sens pour la sortie des contentieux ». Selon MJeanjean, « nombre de recours sortent du contentieux sur la légalité, à savoir lié à un trouble anormal de voisinage, une perte d’ensoleillement... Cela veut dire que le maire et le préfet font mal leur boulot en autorisant les permisOn doit être capable de juger rapidement l’appréciation d’intérêt à agir et la légalité du permis, sachant qu’aujourdhui de plus en plus de promoteurs font auditer les permis par des avocats, des assureurs sur la légalité ». « Dans les métropoles, les promoteurs, les architectes, les bureaux d’études, les services instructeurs des communes et des métropoles, tous spécialistes de la question, passent au filtre les permis », complète Laurent Villaret. « Parfois on entend dire que dès qu’un recours existe pour un promoteur, il est abusif, car c’est du temps et de l’argent pour lui, et que cela bloque son opération et ses finances. On ne peut pas considérer que dès qu’il y a un recours, il est abusif. Il ne faut pas braquer les citoyens et créer deux mondes qui s’affrontent », note MÈve Tronel-Peyroz.

Les recours renchérissent les opérations
« Le fondement de notre métier est de proposer du logement, de reconstruire la ville sur la ville, et ce à des prix abordables, explique Élodie Galko, directrice de Duval Développement à Toulouse et secrétaire du Club Immobilier Toulouse. Or, les recours viennent in fine renchérir le prix des logements. » Une approche que défend aussi Laurent Villaret: « Quand le requérant ne subit pas de préjudice, alors on peut supposer que le recours est abusif. Celui-ci bloque la sortie de l’opération et donc la production de logement social, abordable et libre, et par conséquent cela fait baisser le stock de logement à la vente et monter les prixÀ l’issue du jugement, si on nous oblige à transiger en cas de recours abusif, cela devient de la violence économiqueLes promoteurs ne sont pas contre les recoursNous luttons contre les requérants qui n’ont pas d’intérêt à agir. Il ne faut pas oublier que 100 000 € investis dans l’immobilier, c’est un emploi créé sur la métropole ! » Toutefois, certaines mauvaises habitudes ont été données par des promoteurs: «Pour éviter le recours, certains ont eu tendance à aller à la négociation parfois trop rapidement, et à créer ainsi des champions des recours ! souligne Me Ève Tronel-PeyrozRécemment, une condamnation pénale a eu lieu. Ces recours sont portés en direct ou par une personne de paille. Ces requérants ont appris que les indemnisations pouvaient plus vite tomber qu’un billet de loterie ! »

Recours à la task force
La FPI Occitanie Méditerranée relance le dispositif « Task Force » (force d'intervention, initiée sous la présidence de Xavier Bringer) pour lutter contre les recours abusifs et ainsi fluidifier la sortie des opérations. « Cette force d’intervention s'inscrit surtout dans une démarche de dialogue. On souhaite comprendre les motivations des requérants. Si la discussion n’est pas possible, on s’appuie sur une équipe : huissier, détective parfois, pour aller appréhender la fabrication de l’intérêt à agir du requérant. On regarde combien de fois une personne a déposé des recours aux quatre coins de la ville, en s’aidant des services des impôts. Les premiers redressements fiscaux vont arriver chez les requérants abusifs », explique MJérôme Jeanjean, membre de cette Task Force.
 

 

Développer la pédagogie autour des projets
« Pour éviter les recours, on développe la pédagogie sur la construction à venir. Le forum « Toulouse 2030 » a décalé la concertation avec les citoyens dans le temps afin qu’ils soient capables de se projeter. La métropole accueille 12 000 habitants en plus par an, il faut 8 000 constructions supplémentaires pour les accueillir. L’intérêt est de prendre en compte les enjeux de l’environnement, les aménagements à venir pour limiter les rejets. Il y a déjà des échanges en amont, avant même le dépôt des permis pour négocier le projet », explique Élodie Galko. « À nous d’être encore meilleurs dans la construction et la concertation avec le voisinage. Montpellier et sa métropole se construisent, la démographie ne fléchit pas, l’urbanisation doit se poursuivre pour satisfaire la demande, mais ne se fait pas comme à Toulouse, elle se situe dans un territoire fragile entre le littoral et le pic Saint-Loup. Pour développer des logements et de l’activité, nous devons donc densifier dans les zones où l’équipement public se développe », témoigne Laurent Villaret.
 

Les PLUi et la production de logements 
« Les documents d’urbanisme que sont le Scot (schéma de cohérence territoriale), le PLH (plan local de l’habitat), le PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal) sont des documents qui sont en cours de concertation entre la Métropole et l’État mais aussi entre la Métropole et l’ensemble des maires, ce sont donc des documents complexes à mettre en œuvre. Le sujet est surtout de savoir comment assurer la transition entre le PLU actuel et le futur PLUi pour assurer une production soutenue en adéquation avec la demande, et comment proposer aux collectivités d’intégrer tous les aspects économiques​, explique Laurent VillaretPour assurer cette transition, il faut poursuivre une production élevée, car les prix augmentent mécaniquement. On atteint 4 300 euros aux 1er et 2e semestres 2018, et les prochaines opérations afficheront des prix supérieurs. Conséquence, les ventes du 3e trimestre 2018 ne sont pas bonnes. » Un moyen d’action, selon lui, est « d’agir sur le foncier en reconstruisant la ville sur la ville. Il y a beaucoup de zones à Montpellier qui sont des spots d’urbanisation, comme Euromédecine, le Millénaire, la Restanque ».

Véronique Coll / coll@lalettrem.net
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